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L'oeuvre

Jamais publiée sous sa signature, l’œuvre de Michel de L’Hospital, haut magistrat qui dut constamment revendiquer et justifier le droit à poétiser, est constituée de poèmes latins, de discours politiques en français, d’une correspondance familière et diplomatique ainsi que de différents mémoires et notes conservées sous forme manuscrite.

Si ses œuvres françaises ont à présent été l’objet d’une édition critique moderne (Petris 2002 et 2013), ses poésies latines restent d’un accès difficile. Or, composées entre 1543 et 1573, ses épîtres néo-latines retracent l’itinéraire social, intellectuel, moral et spirituel d’un modéré, héritier de la pensée érasmienne, confronté à une société qui sombre dans la violence. A la fois impliquées dans le monde et à distance de celui-ci, elles sont l’occasion pour l’écrivain-magistrat de poursuivre sa pratique juridico-politique tout en réfléchissant autant au pouvoir du verbe qu’aux dangers de la division sociale et à la nécessité de la concorde civile, fondée sur les lois, les mœurs individuelles et un consensus stoïcien.

Même s’il présente son écriture comme un passe-temps qui le délasse des soucis du Palais, L’Hospital se consacre à la poésie de manière sérieuse, profonde et consciencieuse, faisant circuler ses poésies en manuscrits et sous couvert de l’anonymat afin de pouvoir, au besoin, en contester la paternité : « Volo enim si displicebunt negare posse meas vel a me scriptas esse » écrit-il à Barthélemy Faye le 3 décembre 1570. Les multiples corrections qu’il apporte à ses poèmes ainsi que leur mise en forme soignée (surtout dans le ms. BNF, Dupuy 901, orig. autogr.) prouvent qu’il prévoyait une publication, qui vit le jour dès 1543 dans le traité du droit lignager de Tiraqueau (Commentarii de nobilitate et iure primigeniorum), et surtout en 1585, dans la première édition des Epistolarum seu sermonum libri sex. Précipitée par la mort de Guy Du Faur de Pibrac, qui conservait l'essentiel des manuscrits préparatoires de L'Hospital, cette première édition exclut toutefois certaines pièces qui ne seront reprises que dans l'édition d'Amsterdam publiée en 1732.

Ces poèmes couvrent une grande variété de genres, de thèmes et de sources. Des ekphraseis (par ex. III, 16 sur Chambord ; VII, 9 sur le pont du Gard) à la deprecatio (II, 6 litium execratio ; IV, 8 sermo in luxum) et à l’éloge (II, 4 ; III, 11) en passant par la consolatoria epistola (I, 6 et 9 ; II, 1 ; II, 15 ; VI, 3), l’épitaphe (VIII, 7 de obitu Jac. Fabri ; IX, 2 in Langeium), la supplique (II, 9 ; V, 3), le récit de voyage (I, 4 sur le voyage à Bologne ; V, 9 iter Nicaeum), le panégyrique (IV, 1), l’institution du prince (V, 8de sacra initiatione sermo, sur le sacre de François II), l’épithalame (V, 1), l’apologie autobiographique (I, 13 à Pierre Du Châtel) et la recommandation de poètes (II, 19 ; I, 15 ; II, 15) ; de l’éloge de la vie champêtre (III, 7 ; IV, 6 ; VI, 11) et de la paix (II, 12 ; VI, 1 et 6 ; VII, 3 et 6) au remerciement (VII, 4) en passant par la réflexion sur son statut marginal de poète-magistrat (II, 17 ; III, 8) et sur la poésie (I, 7 de poesi christiana, à Claude d’Espence, diptyque avec I, 11 de fide christiana, à Achille Bocchi) ; enfin, du stoïcisme (I, 6 ; III, 1 et 4 ; VI, 2) à un socratisme chrétien (IV, 7 de amore et ignoratione sui, à Pibrac) en passant par le platonisme (I, 11 ; VII, 8). Si certaines pièces ne sont pas adressées, les destinataires sont surtout ses protecteurs (Marguerite de France, François Olivier, Jean de Morel) et des cardinaux (Jean Du Bellay, Charles de Lorraine, d’Armagnac, Châtillon, Tournon, Lancelot de Carles, Marillac, Morvillier) mais aussi des poètes (Macrin, Bocchi, Mondoré), des humanistes (Turnèbe), des Robins (Adrien Du Drac, Crassin, Barthélemy Faye, Christophe de Thou), des amis (Jacques Du Faur) et des protégés (Pibrac). 

Ad Margaritam, regis sororem, Michaelis Hospitalii epistola

La variété des destinataires, des genres adoptés, des sources antiques et contemporaines réactualisées et des sujets abordés n'exclut pas l'unité de ce parcours intellectuel, poétique et humain d'un esprit modéré et acéré, au seuil des temps modernes.

 "Vostre humble et obligé confrere et serviteur M. de L'Hospital" (à Christophe de Thou, 16 octobre 1569; BNF, Dupuy 491, fol. 36r°; Petris 2002, p. 483)