De Neuchâtel à Budongo (1/3)
23.05.2023 | Vie sur le campus | Alix von Bredow
Le Budongo Conservation Field Station est dirigé par le Professeur Zuberbühler depuis 2005. L’APP (apprentissage par problème) de cognition comparée permet à une vingtaine d’étudiantes et d’étudiants par an, de biologie, bio-ethno ou systèmes naturels de découvrir une partie de l’Ouganda et de mieux comprendre les défis auxquels font face les scientifiques, les gestionnaires du camp et la population locale.
Contexte
L’établissement de cette station de recherche ainsi que sa continuité sont le résultat de la communication et l’implication de chacun et ceci permet aux étudiants de l’université d’effectuer un travail de recherche dans un écosystème complétement différent de ceux trouvé en Suisse.
Ce camp de recherche a été fondé en 1990 par le Professeur Vernon Reynolds pour protéger les chimpanzés des trafiquants d’animaux sauvages après la guerre civile sévissant en Ouganda[1]. Cette guerre de brousse a débuté en 1981 et opposait le gouvernement de Milton Obote à l’Armée de résistance nationale (NRA)[2]. Le groupe rebelle originaire du Nord du pays, est fondé par Yoweri Museveni. Après 5 ans de combats sporadiques, de pillages et d’exactions contre les populations locales, commises tout autant par les forces gouvernementales que par les factions rebelles, la guerre prend fin en 1986 par la prise de Kampala par le NRA qui placera Musevini à la tête du pays. Il reste d’ailleurs le seul président au pouvoir depuis ce jour et ceci malgré son incapacité à rétablir la situation économique d’avant-guerre, ainsi que les accusations fondées de crimes contre l’humanité du NRA.
Le camp de recherche a utilisé les anciens bâtiments du Budongo Sawmill Ltd, une scierie qui utilisait les arbres de la forêt pour la production de bois mais ayant fermée après le début de la guerre, comme station de recherche. De nombreux ougandais venus de régions éloignées pour travailler à la scierie se retrouvèrent donc sans sources de revenus après sa fermeture[3]. Certains ont pu louer des terres et subvenir à leurs besoins grâce à l’agriculture, mais les paysans de la région ne disposent de quasiment aucun revenu. La seule manière de gagner un peu d’argent étant de vendre les récoltes excédentaires au marché, argent qui sera immédiatement dépenser dans des médicaments, savons, engrais et frais de scolarités. D’autres se sont tournés vers le braconnage illégal. Des pièges sont posés dans la forêt pour tenter de capturer des petits cervidés et autres animaux pouvant être vendus comme viandes de brousses au marché local.
À la suite de la fermeture de la scierie, les conflits entre animaux sauvages et humains se sont intensifiés[4]. Les besoins de terres cultivables toujours grandissants ont forcé les habitants à exploiter des champs se situant en bordures de forêt. La zone tampon entre la forêt et les cultures s’amenuisant au fil des années, les chimpanzés et les babouins viennent régulièrement piller les récoltes forçant les paysans à surveiller leurs champs. Mais les ressources pour le faire sont rares et en général peu efficaces. La plus commune étant de tirer à l’arc ou de leur jeter des pierres, les singes apprennent vite qu’un seul paysan ne peut pas grand-chose contre une horde de 30 primates. Le plus efficace est donc de patrouiller en groupe et d’utiliser des chiens pour donner l’alerte. Toutefois les humains ne sont pas les seules victimes de cette proximité. Les pièges posés par les braconniers ont blessé une grande partie des chimpanzés de Budongo. Ces pièges à loup sont particulièrement cruels et ne laissent souvent d’autre choix que d’amputer le membre capturé.
Le centre de Budongo prend plusieurs initiatives pour limiter ces conflits. Les employés se rendent régulièrement dans les villages environnants pour échanger et instruire la population. Les singes ne mangent pas toutes les cultures et certaines peuvent être plantées proche des forêts sans risque d’être saccagées. Une autre précaution est de ne pas manger devant les singes qui apprennent de cette manière quelles plantes sont comestibles. Cependant l’initiative la plus impactante a été celle visant à limiter le braconnage. Pour permettre aux braconniers de subvenir à leur besoins deux chèvres étaient offertes à chacun venu se dénoncer. Les chèvres, élevées pour leur viande, se reproduisent rapidement et sont facile et peu couteuses à entretenir. Même si cette mesure semble avoir été efficace, aucune étude n’a été faite par la suite pour évaluer son impact.
[1] « Budongo Conservation Field Station - BCFS | The History of Budongo ».
[2] « Guerre de brousse en Ouganda ».
[3] « Budongo Conservation Field Station - BCFS | The History of Budongo ».
[4] Hockings et Humley, Best Practice Guidelines for the Prevention and Mitigation of Conflict between Humans and Great Apes.
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