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Covid-19 : inefficacité de l’hydroxychloroquine

27 août 2020

Les traitements impliquant l’hydroxychloroquine ne fonctionnent pas pour lutter contre la Covid-19. C’est ce que confirme une nouvelle méta-analyse, totalement indépendante, la plus robuste à ce jour sur ce sujet. Parmi ses six coauteurs figurent trois chercheurs des universités de Neuchâtel et de Lausanne qui ont répondu à l’initiative d’un doctorant de l’Inserm (en France). Sans jamais se rencontrer physiquement, ils ont travaillé sur leur temps libre pour aboutir à un article désormais publié dans la revue spécialisée Clinical microbiology and infection.

Peu après le début de la crise sanitaire, un médicament anti-malaria à base d’hydroxychloroquine (HCQ) a été prescrit à des patients atteints par le SARS-CoV-2, avec des effets supposément positifs dans la lutte contre la maladie. Rapidement toutefois, des doutes ont émergé au sein de la communauté médicale et scientifique. D’autres analyses comprenant des cohortes plus nombreuses aboutissaient à des conclusions contradictoires.

Après avoir passé au crible plus de 800 articles scientifiques, publiés dans des revues à comité de relecture ou mis à disposition en preprint, les auteurs de la présente étude en ont retenu 29. Le tout porte au final sur un total de plus de 33'000 patientes et patients.

Les six scientifiques en concluent que les prises de HCQ seule n’ont pas d’effet sur la mortalité des personnes hospitalisées, quel que soit leur âge. Le traitement ne réduit pas le risque de décès, mais n’entraîne pas non plus de surmortalité chez les personnes hospitalisées. En revanche, l’administration conjointe d’HCQ et d’azithromycine, un antibiotique, provoque une augmentation du risque de décès de 27% chez les patients hospitalisés.

Mais pourquoi avoir investigué la mortalité de ces différentes situations ? «L’HCQ a été administrée au début de façon massive, avec ou sans azithromycine, alors que la létalité de la Covid-19 est faible (de l'ordre de 0.5%, voire moins), observe Matthieu Mulot, l’un des coauteurs, biologiste et statisticien travaillant à l’Université de Neuchâtel. Donc le ratio bénéfice/risque était difficilement perceptible. Si on est dans le cas d'une maladie qui tue 50% des gens, alors on ne risque pas grand-chose à tester un traitement, puisque de toute façon le patient a une chance sur deux de mourir. Ce n'était pas le cas ici. De plus, dans le protocole proposé par Didier Raoult, la posologie de HCQ est bien supérieure à ce qu'on a l'habitude de prescrire contre le paludisme ou les autres maladies. On a donc fatalement davantage d'effets secondaires, parmi lesquels on compte des problèmes cardiaques, ce qui est aussi le cas pour l’azithromycine. Au final, on avait une maladie très peu mortelle, avec un traitement aux effets secondaires potentiellement graves, et donc il fallait essayer d’analyser objectivement si ce traitement permettait de réduire la mortalité liée à la Covid ou si, au contraire, le traitement entraînait une surmortalité. Maintenant on le sait : l’HCQ seule est inutile, et entraîne une surmortalité lorsqu’elle est combinée à l’azithromycine.»

Dans leur approche, les chercheurs ont utilisé les dernières techniques statistiques recommandées pour ce genre de méta-analyse, afin de garantir un traitement irréprochable à leur recherche. «A peine avions-nous présenté notre manuscrit en accès libre, indique Matthieu Mulot, que des chercheurs spécialisés en méta-analyses nous ont adressés des mails pour savoir quand l'étude serait publiée dans une revue à comité de lecture». C’est désormais chose faite.

Une action d’utilité publique

Quelles motivations ont poussé Matthieu Mulot et ses collègues à réaliser ce travail bénévole, en dehors de tout mandat professionnel? « J'en avais assez de cette déferlante médiatique sur l'HCQ en France. On a eu des réactions hystériques et une espèce de folie colorée de complotisme. Donc quand Thibault Fiolet m'a proposé de participer à cette méta-analyse, j'ai trouvé que c'était une excellente idée et je l'ai suivi dans cette aventure. On avait un gros job à faire pour démêler le vrai du faux. Et tout cela sans directeur de recherche ni fonds alloués. »

«Ce qui était impressionnant, poursuit Matthieu Mulot, c’est que Thibault Fiolet, qui est encore doctorant, a porté ce projet à bout de bras, accomplissant un travail énorme. Avec le reste des coauteurs, nous avons fait beaucoup de corrections, de suggestions, de vérifications, afin de nous assurer que le papier était inattaquable.»

Ironie du sort, le semi-confinement a plutôt joué un rôle positif dans la démarche. «On avait un peu de temps à tuer à la maison. C'était donc l'occasion de produire quelque chose d'utile pour la société. Des gens ont cousu des masques, d'autres ont imprimé des visières en 3D. Chacun a aidé comme il pouvait. Nous, on a fait une méta-analyse.»

Contact :

Matthieu Mulot
Institut de biologie
matthieu.mulot@unine.ch


Coordonnées de contact complètes dans le communiqué au format pdf

En savoir plus :

Référence scientifique :

Fiolet T, Guihur A, Rebeaud M, Mulot M, Peiffer-Smadja N, Mahamat-SalehY, Effect of hydroxychloroquine with or without azithromycin on the mortality of COVID-19 patients:a systematic review and meta-analysis, Clinical Microbiology and Infection, https://doi.org/10.1016/j.cmi.2020.08.022