Communiqué

Le plurilinguisme dans les SMS, une manière de s'afficher "branché" et cosmopolite

16 décembre 2013

Utiliser des mots étrangers dans ses SMS, c’est avant tout afficher son appartenance à une communauté « branchée », dans tous les sens du terme. Telle est l’une des conclusions d’Etienne Morel, auteur d’une thèse de doctorat entreprise sous la supervision de Simona Pekarek Doehler, professeure au Centre de linguistique appliquée de l’Université de Neuchâtel. Son travail résulte d’une analyse des pratiques plurilingues dans plus de 5000 messages provenant de Suisse romande dans le cadre du projet interuniversitaire sms4science en collaboration avec les universités de Leipzig, Zurich et Berne. Il a donné lieu à deux publications spécialisées, l’une dans La Revue Française de Linguistique Appliquée et l’autre dans Linguisticae Investigationes.

« Yo ! Je te call et on chill un maximum ». Traduction : « Salut ! Je t’appelle et on se prend un maximum de bon temps ! ». L’utilisation de plus d’une langue dans la communication par SMS et – plus récemment  – WhatsApp est largement répandue, mais reste dans l’ensemble assez peu étudiée. Que nous révèlent ces cocktails d’idiomes, tant du point de vue grammatical que symbolique ? C’est ce qu’a cherché à savoir l’équipe du Centre de linguistique appliquée de l’UniNE. S’agissant des langues utilisées, sans surprise, c’est l’anglais qui domine de loin la ‘population’ de mots étrangers insérés (plus de 70%) dans les messages rédigés en français (plus de 70%). Suivent, mais de loin, l’italien (8,9%), l’allemand (6,6%), l’espagnol (6,1%) et le suisse allemand (3,1%).

« Loin d’être vouée au hasard, cette pratique plurilingue s’avère hautement systématique. Par opposition à certains stéréotypes qui circulent sur la présumée ’pauvreté’ de l’écriture par SMS, les chercheurs montrent que les utilisateurs font preuve d’une certaine virtuosité dans le maniement des différentes ressources linguistiques à leur disposition. Ils affichent sur un mode ludique une volonté d’affiliation à une communauté globalisée, mobile, cosmopolite et translinguistique », constate Simona Pekarek Doehler.

Les mots étrangers sont ainsi fréquemment utilisés  pour des salutations, des adieux, des excuses, voire des expressions d’intimité et d’affectivité: ciao bella, see you tomorrow, tschüssli, Grüsse aus Berlin … et bien évidemment le fameux lol (laugh at loud, ou mort de rire). Cette alternance fait aussi référence aux modes de communication (phone call, news, se facebooker) et aux activités de temps libre (chiller, rider, roller party, afterwork). « Ces éléments deviennent alors constitutifs d’un certain style qui s’affiche comme ‘branché’, voire d’un code mixte qui donne au message une touche ‘cool’ », ajoute Etienne Morel.

La présente étude est le fruit d’un projet de recherche interuniversitaire financé par le FNRS intitulé « SMS communication in Switzerland : Facets of linguistic variation in a multilingual country » (www.sms4science.ch) qui totalise un corpus de 26'000 messages récoltés entre 2009-2011.

Le communiqué au format pdf

Contact :

Prof. Simona Pekarek Doehler
Chaire de Linguistique Appliquée
simona.pekarek@unine.ch

En savoir plus :

Morel, Etienne & Pekarek Doehler, Simona (2013) : Les ‘textos’ plurilingues : l’alternance codique comme ressource d’affiliation à une communauté globalisée. Revue française de linguistique appliquée, XVIII-2, 29-43.


Morel, E., Bucher, C., Pekarek Doehler, S. , Siebenhaar, B. (2012). SMS communication as plurilingual communication: hybrid language use as a challenge for classical code-switching categories, Linguisticae Investigationes, 35-2, 260–288. DOI: 10.1075/li.35.2.08mor

Liste de comptes-rendus dans la presse : www.sms4science.uzh.ch