Communiqué
changements climatiques et forêts européennes: les leçons du passé
Neuchâtel, le 31 mars 2008. Pour mieux prédire l'influence des changements climatiques sur la répartition des végétaux, des scientifiques du Pôle de recherche national (NCCR) Survie des plantes se sont tournés vers le passé. En utilisant des reconstitutions climatiques et des pollens fossilisés remontant à six millénaires, ils ont effectué des simulations informatiques qu'ils ont comparées avec la répartition géographique actuelle de sept espèces végétales en Europe. Leurs résultats paraissent en avril dans la revue scientifique de premier plan Ecology Letters.
Le réchauffement global mis en évidence par le Groupe intergouvernemental d'experts sur l'évolution du climat (GIEC) aura une influence sur la répartition géographique des plantes au cours des prochains siècles ou même décennies. Les spécialistes disposent d'outils informatiques permettant de modéliser la répartition des espèces végétales au cours du temps. Encore faut-il en tester la fiabilité. C'est précisément le but de Peter B. Pearman et de ses collègues qui, sous la direction d'Antoine Guisan, professeur au laboratoire d'écologie et d'évolution de l'Université de Lausanne et membre du NCCR Survie des plantes, ont simulé la répartition géographique de sept arbres et arbustes à partir de données environnementales du passé.
Il s'agit de la première analyse solide de ce genre pour l'Europe. « Les très rares études précédentes concernaient l'Amérique du Nord et n'utilisaient parfois que quelques points d'observations pour une à deux espèces dans le passé », observe Antoine Guisan. Pour accomplir ce travail, les chercheurs se sont servis d'une technique prédictive qui a fait ses preuves (les « Boosted Regression Trees »), ainsi que des meilleures reconstitutions historiques du climat.
Il fallait encore sélectionner des espèces représentatives des forêts européennes dont les données concernant la distribution de leurs pollens il y a 6000 ans étaient disponibles. La répartition géographique de ces pollens des temps anciens a été extraite d'une base de données sur internet. Pour ce qui est des arbres, les élus sont le Sapin blanc Abies alba, le Hêtre Fagus sylvestris, le Mélèze Larix decidua et l'Epicea Picea abies. Quant aux arbustes, la liste comprend le Charme Carpinus betulus, le Noisetier Corylus avellana et le Génévrier Juniperus communis.
La capacité de prédire des changements dans les distribution varie beaucoup d'une espèce à l'autre, constatent les chercheurs. Les modèles pour le hêtre, le sapin, l'épicéa et le charme se prêtent bien à la prévision des effets des changements climatiques sur 6000 ans, tandis que pour le génévrier, et dans une moindre mesure le noisetier et le mélèze, les simulations divergent de la réalité.
Une explication est à chercher du côté de la conservation de la niche climatique, c'est-à-dire des conditions environnementales et climatiques nécessaires à la maturation et à la reproduction. Plus la niche est stable, meilleure sera la prédiction.
Cette étude suggère l'importance de la compétition entre les espèces dans la détermination de la conservation de niche. Les espèces dominantes maintiennent une relation stable entre climat et distribution géographique. Elles tendent ainsi à exclure les espèces moins compétitives de certaines régions présentant un climat favorable.
Contact
Prof. Antoine Guisan
Laboratoire d'écologie et d'évolution
Université de Lausanne
Dr. Peter B. Pearman