Communiqué
Grippe A : des psychologues tirent les conséquences de la crise 2009
Neuchâtel, le 26 octobre 2010. L'hiver 2009, la grippe A défrayait la chronique et hantait tous les esprits. Une année plus tard, des psychologues de l'Université de Neuchâtel livrent un éclairage averti sur la perception de cette crise sanitaire par le public et les conséquences à en tirer. L'équipe du professeur Adrian Bangerter met notamment en exergue les diverses théories du complot en vogue dans la population pour expliquer les événements de l'hiver dernier.
«A trop crier au loup, on risque de ne plus se faire entendre le jour où il faudra vraiment prendre des mesures». Adrian Bangerter fait référence aux dernières grippes aviaires qui n'ont finalement pas donné lieu aux dénouements dramatiques qu'on nous prédisait. Le professeur de l'Institut de psychologie du travail et des organisations (IPTO) de l'Université de Neuchâtel n'est pas le seul à déplorer la crise de confiance ressentie par le public face à la gestion de ces maladies émergentes. Mais il est certainement parmi les plus avertis pour en faire état. Au moment où tout faisait craindre une pandémie de grippe A (H1N1), l'équipe du professeur Bangerter se trouvait à pied d'oeuvre, en train d'étudier la perception de la grippe aviaire H5N1 par la population suisse. Un poste d'observation de choix pour analyser l'impact dans le public de ces maladies dites émergentes. «Notre questionnaire était en train de circuler, explique le psychologue. Nous avons ainsi pu comparer les réponses retournées avant et après le début de la crise de la grippe A en 2009.»
De l'avis de la population, «il y a clairement eu une exagération au niveau de la communication au sujet de la grippe A, que ce soit par les médias ou par les autorités», commente Adrian Bangerter. Or une nouvelle alerte pourrait à nouveau nécessiter des mesures que le public hésiterait à suivre. C'est pourquoi les psychologues de l'Université de Neuchâtel suggèrent dans un premier temps de «tout mettre en oeuvre pour regagner la confiance des gens».
Les chercheurs identifient deux grandes tendances dans les explications populaires des maladies : ceux qui attribuent la maladie à des groupes marginaux ou des étrangers et les adeptes de la théorie du complot.
Les premiers reproduisent un schéma en vogue depuis la nuit des temps. Au Moyen Age, les Juifs se sont ainsi vus attribués la responsabilité de la peste noire. Plus tard, la syphilis était imputée aux Japonais par les Chinois, aux Allemands par les Français, aux Français par les Allemands et ainsi de suite. Enfin, les homosexuels et les Africains faisaient les frais, dans les années 80, d'une nouvelle maladie appelée Sida. Dans son enquête sur les grippes aviaires, l'équipe du professeur Bangerter a donc cherché à mettre en évidence d'éventuels comportements d'évitement face à des groupes marginaux comme les étrangers ou les demandeurs d'asile.
Quant à la théorie du complot - deuxième grande tendance reflétant le scepticisme émergent vis-à-vis des autorités - elle représente un phénomène considéré comme caractéristique de notre époque par les sciences sociales. « Dans notre société où les risques deviennent de plus en plus abstraits, le discours des experts peine à porter sur des aspects pertinents pour le public », relève le professeur Bangerter. Pour satisfaire leur besoin de compréhension, de nombreuses personnes se laissent alors séduire par des simplifications réductrices. Un tour sur le site web youtube en fournit une illustration parlante. Les vidéos foisonnent qui mettent en scène l'implication volontaire d'entreprises pharmaceutiques désireuses de voir apparaître de nouvelles maladies contagieuses.
Contact
Adrian Bangerter
Institut de psychologie du travail et des organisations (IPTO)
Université de Neuchâtel
Tél. 032 718 13 18
adrian.bangerter@unine.ch