Communiqué de presse

Trois nations réunies à Neuchâtel autour de l'arabette

Neuchâtel, le 17 août 2005. Du 24 au 27 août, l'Université de Neuchâtel accueille des scientifiques venus de Suisse, d'Allemagne et d'Autriche pour un séminaire consacré à l'arabette des dames (Arabidopsis thaliana). Organisé avec le soutien du Pôle de recherche national (PRN) Survie des plantes, le deuxième Tri-National Arabidopsis Meeting aborde les thèmes liés à la génétique de cet organisme végétal de la famille du chou. Son ADN entièrement décrypté, sa facilité de culture en laboratoire, son taux de croissance et sa reproduction rapides en font un modèle idéal pour la biologie moléculaire.

Spécialiste de physiologie végétale, Claire Bréhélin, maître-assistante à l'Université de Neuchâtel, montrera comment elle a utilisé l'arabette pour étudier la synthèse des vitamines chez les plantes. Plus précisément, elle a localisé une enzyme clé responsable de la biosynthèse de la vitamine E, substance que l'on trouve dans les huiles végétales et connue pour ses effets bénéfiques sur le système cardio-vasculaire. Ses résultats ont révélé que cette enzyme et la vitamine associée sont stockées dans les plastoglobules, sortes de gouttelettes d'huile situées dans les profondeurs des cellules végétales et dont le rôle n'était pas clairement défini jusqu'ici. C'est la première fois que l'on considère les plastoglobules comme un réservoir important de vitamine E. Une conclusion marquante pour les experts dans ce domaine.

Quant à Didier Reinhardt, chercheur de l'Université de Fribourg et membre du PRN Survie des plantes, il présentera des travaux qui lui ont valu les honneurs de la revue Nature en 2003. A ces recherches avait d'ailleurs participé un des vice-directeurs du PRN, Cris Kuhlemeier, professeur à l'Université de Berne. Elles ont abouti au rôle joué par une hormone végétale, l'auxine, dans la répartition régulière des feuilles autour d'une tige. Ce phénomène, appelé la phyllotaxie, a fait l'objet de nombreuses réflexions mathématiques. Les lois géométriques qu'il suit sont illustrées par les spirales que dessinent par exemple des graines de tournesol dans leur fleur. Manquaient cependant des connaissances sur les facteurs biochimiques responsables de la phyllotaxie. Un éclairage réalisé grâce à l'identification de gènes chez l'arabette a permis de produire une variété présentant un arrangement désordonné des feuilles. L'étape décisive consistait à montrer comment l'adjonction d'auxine est capable d'inverser cet état.

Un autre point fort du séminaire portera sur la régulation des gènes responsables du développement des plantes. Il figure au coeur de la très attendue leçon d'ouverture donnée par le professeur Detlef Weigel, du Max Planck Institut de Tübingen (Allemagne). Le groupe du scientifique américano-allemand est mondialement connu pour ses découvertes fondamentales dans plusieurs domaines du développement des plantes. Au cours des dix dernières années, ses contributions ont battu en brèche la vision « classique » de la biologie moléculaire qui dit, schématiquement, qu'un gène contrôle la fabrication d'une protéine spécifique. Or les choses ne sont pas si simples. En étudiant différentes variétés d'arabette, le groupe allemand a identifié des petits brins de code génétique (les microARN) qui empêchent la transmission de la « commande » émise par le gène, en interceptant littéralement la molécule porteuse du message. Les effets d'un de ces microARN, dénommé JAW,  se répercutent au niveau de la division et de la prolifération des cellules, avec des conséquences sur la forme des feuilles.

Sur leur lancée, les spécialistes de Tübingen travaillent à la mise au point de microARNs artificiels qui pourraient en théorie stopper n'importe quel processus de fabrication de protéine contrôlée par un gène. C'est dire leur potentiel énorme pour influencer la croissance et le développement des végétaux. Le procédé intéressera les agriculteurs, puisqu'il semble a priori transposable sur des plantes cultivées comme le riz.

La rencontre neuchâteloise est co-financée par le PRN Survie des plantes, le Troisième Cycle Romand en Sciences Biologiques, et la Deutsche Forschungsgemeinschaft (DFG). Son organisation est assurée par les professeurs Felix Kessler (Neuchâtel), Wilhelm Gruissem (Zurich), Lutz Nover (Frankfurt am Main) et Heribert Hirt (Vienne). Plus de 160 scientifiques sont attendus pour assister à une vingtaine de conférences et participer à quatre ateliers thématiques.