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Les jardins communautaires

Les jardins communautaires sont apparus dans les années 1960 aux États-Unis et sont de plus en plus nombreux en milieu urbain. Ayant pour premier objectif la production alimentaire, ils sont sous-tendus par d’autres fonctions prépondérantes comme par exemple : l’inclusion sociale d’un quartier, la sensibilisation citoyenne à l’écologie ou valorisation de l’image de la ville. Cet article découle d’une recherche qui a été menée à Luxembourg-Ville et qui se focalisait sur le rôle de ces espaces semi-publics dans une ville en mondialisation émergente.

Les jardins communautaires : un vecteur de développement durable dans une ville en mondialisation

Luxembourg occupe aujourd’hui une place importante à l’échelle des villes en mondialisation et connaît un développement et une urbanisation importante. Les espaces verts sont préservés et aménagés dans toues la ville: outre les parcs, des espaces collectifs de jardinage sont de plus en plus au cœur des politiques d’aménagement urbains de la ville. En effet, ces derniers remportent un franc succès à Luxembourg depuis le lancement en 2013 du projet pilote dans le quartier Bonnevoie-Kaltreis. Depuis, ceux-ci se multiplient parallèlement au développement de la ville et de ses infrastructures.Cet aménagement est profitable à plusieurs niveaux: ces espaces sont des parcelles de terre empruntées à la ville pour une période qui peut parfois durer et transformées en jardin communautaire investis par les habitants d’un quartier. Ils deviennent alors des lieux vivants, des lieux d’action.

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Jardin de Pfaffenthal. - Photo : Jules Feuz
 

Entre stratégies de planification urbaine et demande citoyenne

En prenant en considération le contexte d’urbanisation ainsi que la demande croissante de logements auquel fait face Luxembourg-Ville, on peut se poser la question: quel est l’intérêt de la ville à créer d'avantages de jardins communautaires en centre-ville alors que les revenus fonciers peuvent rapporter gros ? Il s’avère que malgré la non-rentabilité directe et financière de ces terrains, la ville ainsi que ses citoyens ont beaucoup à y gagner. Premièrement, cela permet de répondre à une demande citoyenne croissante en matière d’espace semi-public autogéré. Ce qui permet ainsi d’améliorer la qualité du cadre de vie des habitants et d’activer des dynamiques de démocratie participative, lesquelles sont largement favorable à la durabilité sociale. De plus, comme le stipule le programme directeur d’aménagement du territoire, la ville cherche à conserver ses espaces verts. Les jardins communautaires permettent ainsi de maintenir un certain équilibre. D’autre part, les autorités peuvent se libérer de l’entretien d’un terrain non-utilisé en le mettant à disposition d’une communauté qui lui permettra de participer à la vie de quartier à travers notamment la création d’un espace communautaire.Finalement, de par leur aspect multifonctionnel et communautaire, ces lieux servent de vecteur d’intégration sociale permettant ainsi de mélanger la diversité présente à Luxembourg-Ville, tant au niveau des nationalités, que des classes sociales, l’âge des participants ou encore leurs situations familiales. On retrouve donc une convergence d’intérêts entre les autorités et les participants dans chacun des axes du développement durable que nous allons développer dans les chapitres suivants.

Un espace cultivant les liens sociaux :

En se promenant dans les jardins communautaires de Luxembourg, et en interpellant ses différents utilisateurs on se rend vite compte de la mixité de population présente au sein des jardins communautaires qui s’inscrivent comme le reflet de la mosaïque de population présente à Luxembourg. La récolte n’étant pas la finalité principale recherchée par les utilisateurs de ces jardins, la volonté de contacts humains et la création de nouveaux liens sociaux avec les habitants alentours deviennent prépondérants. « [les jardins]Créent un dialogue, avec les habitants du quartier [...] depuis le jardin c’est la première fois où j’ai un lien social et matière à discussion avec les gens du quartier » (Jardinier de Pfaffenthal)Ainsi, la ville démontre, par la mise en place de ces jardins, une grande préoccupation concernant la volonté de stimuler l’intégration des différentes communautés présente au sein des quartiers de Luxembourg. Ces espaces deviennent de véritables vecteurs de création de liens sociaux. L’accès à ces espaces est géré dans un premier temps par la ville, puis une organisation propre à chaque jardin se met en place. Tous les habitants ont le droit à demander d’adhérer au(x) jardin(s) se rattachant à leur quartier de ce fait, dans certains quartiers des listes d’attentes se mettent en place et lorsqu’une parcelle se libère les utilisateurs du jardin choisiront la nouvelle personne qui occupera une portion de terre.La ville impose par exemple de choisir les résidents du quartier en question. Mais aussi de favoriser au maximum une mixité d’âge, d’origine et capital social, pour que les jardins soient représentatifs des quartiers. De plus la ville favorise une auto-organisation de ces espaces, de ce fait lorsqu’un utilisateur ne s’implique pas dans le jardin, il peut se voir retirer sa parcelle par la ville ou l’organisation interne du jardin.Des liens sociaux de qualités peuvent ainsi, avoir également des effets positifs sur l’économie locale et les habitudes de consommation. Ces nouvelles relations sociales rendent possible de nouvelles activités communes, donnant ainsi de la vie dans des quartiers autrefois peu attractifs. « Donc y’a toute une politique d’embellissement de la ville et je pense que ça fait partie aussi de montrer que c’est une ville qui se développe avec une image que les gens se retrouvent, se voient, réaménagent des aires... » (Jardinier de Pfaffenthal)

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Jardins du fonds Kirchberg. - Photo: Jules Feuz
 
 
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Jardin de Pfaffenthal. - Vidéo : Jules Feuz
 

Un incubateur au service du social et de l'écologie

Les jardins communautaires sont soumis à diverses normes écologiques, tenant à cœur à la ville de Luxembourg. En effet, depuis maintenant plus de quinze ans, cette dernière œuvre afin de mettre en place divers projets respectueux de l’environnement et en adéquation avec la nature. Mener un mode de culture non-écologique au sein des jardins communautaires serait donc en contradiction totale avec cette philosophie. Les jardiniers, sous indications de la ville, prohibent ainsi totalement l’utilisation de pesticides et herbicides ainsi que la plantation d’arbres fruitiers, trop ombrageant et invasifs. Cultiver de façon écologique en zone non-urbaine nécessite certaines adaptations indispensables.« Le but c’est premièrement de donner la possibilité aux résidents d’un quartier de cultiver leur propres légumes et fruits selon des critères écologiques (...) Nos terrains sont officiellement sans pesticides depuis 2001» (Nicole Isaac, déléguée à l’environnement).Une certaine conscience écologique s’est alors développée dans des jardins communautaires de Luxembourg, passant notamment par une responsabilisation propre. Les membres ne prennent pas uniquement en compte la dimension environnementale mais également les risques sanitaires que représente l’utilisation de produits phytosanitaires.Maintenir un cahier des charges biologique au sein des jardins paraît ainsi être gagnant à tout un chacun, tant aux utilisateurs préservant leur santé et leur conscience écologique que les politiques mettant en œuvre des plans d’actions écologiques.Parallèlement à ces diverses normes, les jardiniers sont vivement encouragés à venir jardiner à vélo ou à pied et donc à bannir les véhicules afin de réduire leur impact écologique. Ce souhait de la ville est inscrit dans le cahier des charges mais cette dernière ne peut être trop rigide à l’égard de cette norme, surtout lorsque les jardiniers doivent amener du matériel de jardin, souvent lourd (râteau, pelle, brouette, etc.). Cette règle est légitime puisque les jardins s’adressent uniquement aux personnes du quartier, ce qui instaure d’entrée une certaine proximité. Il est ainsi plus facilement envisageable pour les jardiniers d’avoir recours à une mobilité douce, ce qui permet de stimuler une écoresponsabilité au sein du quartier. De plus, lorsque des habitants du quartier passent devant le jardin, à pieds ou à vélo, l’entrée en contact est facilitée, ce qui favorise l’échange et serait rendu impossible en se déplaçant en voiture. Nous relevons donc une importance sociale au sein du quartier et des jardins communautaires à favoriser des mobilités douces et écoresponsables. Jardiner selon les normes écologiques en vigueur requiert certaines connaissances que tout un chacun ne possède pas d’entrée, de plus que les jardiniers ne possèdent pour la plupart aucune formation dans le domaine et pratiquent le jardinage comme loisir. Pour remédier à ce manque, la ville offre à chaque jardinier une formation par année instituant les connaissances de base d’une culture écologique. Ces initiatives de la ville sont précieuses puisqu’elles permettent aux jardiniers d’avoir de concrètes actions au sein de leur quartier et leur offre la possibilité d’améliorer leur cadre de vie ainsi que celui de leurs voisins.

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Jardin de Pfaffenthal. - Photo : Jules Feuz
 

Un modèle urbain et économique durable

La ville de Luxembourg veut maîtriser sa croissance en se préoccupant de certains aspects écologiques. Elle cherchera par exemple à favoriser les « circuit-courts » et la réduction des métabolismes urbains (flux de matière et d’énergie)en intensifiant la récupération, le recyclage et la valorisation des déchets, comme on peut le constater dans la mise en place des jardins expliquée par la déléguée de l’environnement : «Le bois c’est le bois local de nos forêts du service du patrimoine naturel, ils livrent toujours quand on a besoin de nouveaux copeaux. Le composte est celui de la ville. La cabane, il y a un tonneau d’eau de pluie [...]. Le banc a aussi été construit avec le bois d’ici » (Nicole Isaac)L’aménagement urbain peut également être source de durabilité environnementale pour garantir une certaine qualité de vie. L’espace vert devient un régulateur de densité urbaine, de nuisances sonores et polluantes. Moins esthétique, préférant l’aspect écologique : ils sont également un moyen de renouer avec la nature et de sensibiliser la population à l’empreinte écologique.« Au niveau des espaces verts, on essaie d’implanter des éléments propices à la biodiversité locale, donc on n’est pas dans l’ornementale, on est plus dans du durable et qui essaie de recréer les paysages d’origines». (Architecte-paysagiste au Fonds Kirchberg)Tant dans les représentations que dans les pratiques, l’aspect écologique et la biodiversité prennent de l’importance par rapport à l’aspect esthétiques des espaces verts. Ils sont un moyen de prétendre un espace rural pour renouer avec la nature : santé humaine, bien-être spirituel et consommation réfléchie.

Jules Feuz, Manon Bernasconi, Marine Besancet et Maxime Bregnard