Communiqué

Edith Boissonnas, l'écriture à l'état brut

23 septembre 2014

Peu ou mal connue, la poétesse Edith Boissonnas, qui a vécu de 1946 à sa mort entre Neuchâtel et Paris, fait pourtant partie des voix féminines novatrices qui ont marqué le milieu du vingtième siècle. Le grand public aura l’occasion de redécouvrir cette personnalité discrète et impertinente grâce à l’exposition de ses archives qui, léguées à l’Université de Neuchâtel, comptent à présent parmi les trésors de la Bibliothèque publique et universitaire de Neuchâtel (BPUN). L’exposition se tiendra du 26 septembre 2014 au 31 mars 2015 et un colloque en marquera le coup d’envoi, organisé par l’Université de Neuchâtel et l’Université de Lausanne les 25 et 26 septembre interrogeant les enjeux d’une écriture à l’état brut.

Elle a le port altier. Une attitude un peu froide aussi. Mais sous ses airs de femme du monde, Edith Boissonnas (1904-1989) est une femme libre et audacieuse. Fille d’un médecin genevois qu’elle qualifiera adulte de «misogyne», la vie de cette femme à la santé physique et psychique fragile aurait dû être tout autre. Se rebellant contre la domination masculine, elle va assumer en autodidacte sa vocation d’écrivain et devenir, un peu malgré elle, une des figures emblématiques de l’art brut.

Mariée à Charles Boissonnas, professeur de chimie à l’Université de Neuchâtel, avec qui elle mène une union heureuse mais très libre, la poétesse va partager sa vie, dès la fin de la deuxième guerre mondiale, entre la Suisse et Paris. Publiée par la célèbre maison d’édition parisienne Gallimard en 1946 et introduite auprès du groupe de La Nouvelle Revue Française grâce à Jean Paulhan, qui sera son ami intime durant vingt ans, Edith découvre à la même époque les toiles de Jean Dubuffet. Séduite par le travail du peintre, elle lui écrit un poème, Usure. Enchanté, Dubuffet lui répond. C’est le début d’une correspondance qui durera jusqu’en 1980 et que les éditions Zoé ont publié dernièrement sous le titre La vie est libre, grâce à Muriel Pic qui, dirigeant un projet du Fonds national suisse (FNS) à l’Université de Neuchâtel, s’est immergée durant quatre ans dans les écrits d’Edith Boissonnas et ses correspondances.

«Fille magnifique d’un Raymond Roussel» pour Joë Bousquet, écrivain «genre art brut» pour Jean Dubuffet, Edith Boissonnas refuse toute filiation et toute étiquette. La poésie est un exercice de liberté : il doit «tendre à la sauvagerie, mais rester maîtrisé». Son expérimentation de la mescaline en 1955 avec Jean Paulhan et Henri Michaux veut observer les effets libérateurs d’une substance hallucinogène sur l’écriture. L’expérimentation de la mescaline, drogue extraite d’un cactus mexicain, sera en partie une déception car nulle drogue ne rend l’écriture facile. Cependant, elle révèlera la présence en soi d’une altérité sauvage qu’il faut observer poétiquement comme l’ethnographe observe les indigènes de contrées éloignées. Mescaline 55, préfacé et annoté également par Muriel Pic, regroupe les témoignages des trois écrivains et leurs liens avec d’éminents scientifiques.

A sa mort en 1989, la poétesse a légué l’ensemble de son fonds d’archives et des droits sur son œuvre à l’Université de Neuchâtel montrant sa confiance à l’égard d’une institution qu’elle a fréquentée sa vie durant à travers son époux. Dès ce mois de septembre, les archives sont enfin accessibles au public et aux chercheurs à la Bibliothèque publique et universitaire de Neuchâtel (BPUN) à laquelle le fonds a été cédé en 2011, une partie de l’œuvre étant encore inédite, conservée en l’état brut des manuscrits. Un colloque consacré à Edith Boissonnas, réunissant des écrivains et des critiques littéraires suisses et français, présentera des documents inédits et s’interrogera sur les enjeux d’une écriture brute malgré elle. Il donnera ainsi à entendre la voix d’une poétesse qui n’a eu de cesse de dénoncer les structures de domination, les hypocrisies et les stéréotypes.

Colloque «Edith Boissonnas. L'écriture à l'état brut»
Avec Dominique Kunz Westerhoff, Daniel Maggetti et Muriel Pic
Jeudi, 25 septembre 2014, Neuchâtel, PBUN, de 13h30 à 18h
Vendredi, 26 septembre 2014, Lausanne-Dorigny, Unithèque, de 9h30 à 18h

Suivi de l'exposition Edith Boissonnas. «Une joie de vivre, animale, me secoue»
Du 26 septembre 2014 au 31 mars 2015, à la Bibliothèque publique et universitaire de Neuchâtel (BPUN)

Parutions 2014 :
Edith Boissonnas, Jean Dubuffet, La vie est libre. Correspondance et critiques 1945-1980, Préface Muriel Pic, Ed. Zoé, 2014
Edith Boissonnas, Henri Michaux, Jean Paulhan, Mescaline 55, Préface Muriel Pic, Ed. Claire Paulhan, 2014

Le communiqué au format pdf

Contact :

Muriel Pic
Collaboratrice scientifique
Institut de littérature française
Tél. 032 718 16 46
muriel.pic@unine.ch

Thierry Chatelain
Directeur BPUN
Tél. 032 717 73 02
thierry.chatelain@unine.ch

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