Communiqué de presse

semaine internationale du cerveau: la mouche tsétsé aussi a de la mémoire!

Neuchâtel, le 15 mars 2007.   La mouche tsétsé -  qui transmet la maladie du sommeil -  a de la mémoire ! C'est ce qui a été mis en évidence par les travaux du Dr Patrick Guerin de l'Université de Neuchâtel - et du groupe de chercheurs avec lequel il travaille -  et qu'il révèle en marge de la semaine internationale du cerveau. La mouche tsétsé s'attaque en effet de préférence à la race animale qui lui a servi de premier repas. Un tel comportement est doublement révélateur: il montre comment la mouche, dans sa quête de sang, privilégie la première expérience réussie, ce qui va lui permettre d'économiser son énergie, et il explique aussi l'efficacité de la tsétsé comme vecteur cyclique de trypanosomes.

Parmi les insectes, la mouche tsétsé est l'un des plus redoutables: c'est elle qui est, en effet, le vecteur de la maladie du sommeil. A cause de l'efficacité avec laquelle elle transmet le pathogène trypanosome chez l'homme et les animaux sur le continent africain, elle est largement responsable d'une double tragédie: elle rend à la fois les paysans malades et leur bétail trop faible pour être utilisé comme bêtes de trait ou même pour se reproduire. La mouche tsétsé a ainsi largement contribué à priver l'Afrique sub-saharienne d'un développement agricole normal.

La mouche tsétsé (il y en a plusieurs espèces) est un insecte hématophage, comme les moustiques et les punaises; et c'est lors du repas sanguin qu'elle transmet les pathogènes. Mais, au contraire des moustiques qui pondent des milliers d'oeufs, pendant une durée de vie d'une à deux semaines seulement, la mouche tsétsé peut vivre plusieurs mois et donner naissance à une larve, à intervalle régulier de quelques semaines. Pour permettre à cette larve de se développer, la mouche doit se procurer du sang tous les deux jours afin de la nourrir dans son abdomen, grâce à ses glandes laitières. La stratégie de gestation longue de sa progéniture ressemble donc un peu à la nôtre.

La mouche doit donc s'assurer régulièrement d'une source de sang. Le Dr Patrick Guerin du Laboratoire de physiologie animale de l'Institut de biologie de l'Université de Neuchâtel et ses collègues du Centre International de Recherche-Développement sur l'Elevage en zone Subhumide de Bobo-Dioulasso, au Burkina Faso, et du Centre de Coopération Internationale en Recherche Agronomique pour le Développement à Montpellier, viennent de découvrir que l'espèce la plus importante de mouche tsétsé de l'Afrique de l'Ouest a une préférence marquée à retourner sur la première espèce d'hôte utilisée pour un repas sanguin. Pour établir ce phénomène, un choix entre une vache et un varan a été proposé par les chercheurs dans une étable sous moustiquaire, à des glossines marquées et préalablement nourries sur un des deux hôtes. Or, malgré la préférence nette et bien connue de la mouche pour la vache plutôt que le varan, une proportion significativement supérieure de mouches nourries la première fois sur varan est retournée sur ce reptile deux jours plus tard. Il s'agit là d'un phénomène de mémorisation mis en évidence pour la première fois. Le résultat de ces recherches vient d'être publié dans Biology Letters, de la Royal Society de Londres.

Un tel comportement est doublement révélateur: il montre comment la mouche, dans sa quête de sang, privilégie la première expérience réussie qui va lui permettre d'économiser son énergie, et il explique l'efficacité de tsétsé comme vecteur cyclique de trypanosomes. La mouche étant généralement infectée par le trypanosome lors de son premier repas sanguin, sa tendance à retourner sur la première espèce d'hôte exploité se traduit par une augmentation de la transmission des pathogènes sur cette espèce d'animal. Ces cycles de transmission du pathogène sont souvent maintenus sur les animaux péri-domestiques ou sauvages, à proximité de l'homme, sans que celui-ci soit infecté du fait de l'habitude prise par la mouche. Mais quand l'homme intervient auprès de ces animaux, dans le cadre d'une ressource commune (comme un cours d'eau), il s'expose lui-même à la mouche en quête d'un repas sanguin et devient infecté.

Learning influences host choice in tsetse, Biology Letters 3, 113-116, 2007
https://royalsocietypublishing.org/doi/10.1098/rsbl.2006.0578

Contact

Dr Patrick Guerin
Laboratoire de physiologie animale
Institut de biologie
Université de Neuchâtel
Tél. : 032 718 30 66
patrick.guerin@unine.ch