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Une ambiguïté difficile à gérer

UNINE_chirurgie.png​© Hélène Becquelin

Dès l’enfance, notre système cognitif gère mal l’aléatoire ou l’ambiguïté. Il a sans cesse besoin d’activer les distinctions femmes/hommes, même lorsque ce n’est pas pertinent pour la compréhension du contexte, car il a besoin de se représenter la réalité.

En présence de stéréotypes, le cerveau renforce encore davantage cette distinction, car les représentations stéréotypiques sont très fortes et difficiles à modifier. En anglais par exemple, les mots nurse et soldier, bien que neutres, sont stéréotypés. A la lecture de ces deux mots, le cerveau aura tendance à imaginer nurse = femme et soldier = homme.

 

The Surgeon Riddle​

Depuis de nombreuses années, la célèbre devinette The Surgeon Riddle est racontée à travers le monde : « A father and son are in a horrible car crash that kills the dad. The son is rushed to the hospital; just as he’s about to go under the knife, the surgeon says, “I can’t operate—that boy is my son! Who’s the surgeon? »

En 2014, Mikaela Wapman et Deborah Belle de l’Université de Boston aux Etats-Unis ont soumis cette devinette à 197 étudiantes et étudiants de la même université et 103 enfants de 7 à 17 ans (Mikaela Wapman and Deborah Belle. 2014. Undergraduate thesis).

Bien que surgeon soit neutre en anglais et désigne autant les femmes que les hommes, l’expérience a révélé que les stéréotypes basés sur des préjugés sexistes étaient encore bien ancrés chez les enfants comme chez les adultes.

En effet, sur le total des réponses, 67% des personnes interrogées ont répondu que the surgeon était le père adoptif, 51% le deuxième papa (couple de deux hommes homosexuels), 26% le beau-père, 44% parlaient d’une erreur d’identité et seulement 18% ont répondu la mère. Les 37% restant étaient les réponses autres.

Cette devinette simple permet d’illustrer combien les schémas de genre influencent notre habilité à évaluer les femmes et les hommes dans leurs aptitudes et compétences professionnelles. Dans cet exemple, 78% des répondantes et répondants n’ont pas pensé que the surgeon pouvait être la mère, quel que soit leur âge ou leur niveau d’étude.

 

Références 

Brauer, M. (2008). Un ministre peut-il tomber enceinte ? L’impact du générique masculin sur les représentations mentales. L'année psychologique. vol. 108, n°2. pp. 243-272.

Garnham, A., Oakhill, J., Reynolds, D. (2002). Are inferences from stereotyped role names to characters’ gender made elaboratively? Memory & Cognition, 30(3):439-46.

Gygax, P., Gabriel, U., Lévy, A., Pool, E., Grivel, M., & Pedrazzini, E. (2012). The masculine form and its competing interpretations in French: When linking grammatically masculine role names to female referents is difficult. Journal of Cognitive Psychology, 24, 395-408.

Gygax, P. M., Gabriel, U., Sarrasin, O., Garnham, A. & Oakhill, J. (2009). Some grammatical rules are more difficult than others: The case of the generic interpretation of the masculine. European Journal of Psychology of Education, 24, 235-246.

Gygax, P.M., Sarrasin, O., Lévy, A., Sato., S., & Gabriel, U. (2013). La représentation mentale du genre pendant la lecture : état actuel de la recherche et directions futures. Journal of French Language Studies, 23, 243-257.

Irmen, L., & Kurovskaja, J. (2010). On the semantic content of grammatical gender and its impact on the representation of human referents. Experimental Psychology, 57, 367–375.

Moulton, J., Robinson, G. M., & Elias, C. (1978). Sex bias in language use: "Neutral" pronouns that aren't. American Psychologist, 33 (11), 1032-1036.

Mikaela Wapman and Deborah Belle. 2014. Undergraduate thesis. 

 

En vidéo

03.03.2018 - Conférence
Pascal Gygax, Comment le cerveau perçoit le masculin
Salon de l’écriture 2018, Colombier

 

30.11.2017 - Conférence
Pascal Gygax, Du sexisme de la langue française et de l'importance du langage épicène
Assises romandes de l’égalité, Martigny