Communiqué

Votation du 9 juin : étude sur les conséquences des modifications urgentes de la loi sur l'asile

27 mai 2013

Une étude sur les conséquences des modifications urgentes de la loi sur l’asile soumise au peuple le 9 juin prochain a été menée par des collaborateurs du Centre de droit des migrations (CDM) piloté par l’Université de Neuchâtel. Il en ressort, notamment, que le fait de ne plus considérer les déserteurs et les objecteurs de conscience comme des réfugiés n’est qu’une mesure symbolique. Par contre, la suppression de la possibilité de demander l’asile dans les ambassades, elle, restreint l’accès à une procédure d’asile en Suisse à de nombreuses personnes vulnérables.

Le 9 juin prochain, le peuple devra se prononcer sur un certain nombre de modifications urgentes de la loi sur l’asile. Les mesures les plus controversées sont les suivantes:

1. Les déserteurs et les objecteurs de conscience ne sont plus considérés comme réfugiés (art. 3 LAsi)
2. Il n’est plus possible de déposer une demande d’asile dans une ambassade (art. 19 et 20 LAsi)
3. Les requérants « récalcitrants » peuvent être hébergés dans des centres spécifiques (art. 26 LAsi)
4. Le Conseil fédéral peut mettre sur pied des phases de test (de deux ans au maximum) pour évaluer de nouvelles procédures d’asile. Les modalités de ces phases peuvent déroger à la loi sur l’asile ainsi qu’à la loi sur les étrangers (art. 112b LAsi)

Rappelons que ces modifications, adoptées par le Parlement le 28 septembre 2012, sont entrées en vigueur le jour suivant et sont limitées au 28 septembre 2015. Vu le référendum déposé, le peuple devra donc décider, le 9 juin prochain, s’il confirme ces modifications ou s’il les refuse. Le cas échéant, les nouvelles dispositions seront abrogées à la fin du mois de septembre 2013.

Les modifications de septembre 2012 s’inscrivent dans le cadre d’une plus large révision de la loi sur l’asile. D’autres modifications d’importance ont déjà été adoptées par les Chambres fédérales en décembre 2012 et un troisième projet est encore en cours de discussion et devrait être mis en consultation dans les mois à venir.

Conséquences des modifications urgentes de la loi sur l’asile

Après avoir analysé les arguments ayant conduit à l’adoption de ces mesures ainsi que les implications possibles de ces dispositions, les auteurs de l’étude, qui se veut une contribution de collaborateurs du CDM au débat public, parviennent aux conclusions suivantes :

1. La modification de la notion de réfugié n'a en l'état pas d'incidence pratique sur les décisions qui sont rendues à l'égard des déserteurs ou objecteurs de conscience. Cette mesure n'a qu'une valeur symbolique et elle est insignifiante d’un point de vue juridique. La désertion ou l’objection de conscience n’ont, en réalité, jamais constitué – en tant que tel – un motif d’asile en droit suisse et international. La précision ajoutée à l’alinéa 3 de l’art. 3 de la loi sur l’asile est donc superflue d’un point de vue juridique. Elle ne méritait donc pas d'être introduite dans une révision législative, et encore moins dans le cadre d’une loi urgente.

2. Bien que les chiffres à disposition ne permettent pas une véritable exploitation statistique, il semble que l’octroi de visas humanitaires n’offre pas une réelle alternative aux demandes d’asile en ambassade. La suppression de cette procédure, qui permettait d'accorder une protection efficace et d'éviter les risques liés au franchissement illégal des frontières, restreindra probablement l’accès à une procédure d’asile sur le territoire suisse pour de nombreuses personnes vulnérables. Du fait des difficultés liées à l’obtention d’un visa humanitaire, les personnes qui pouvaient jusqu’ici obtenir une protection de la Suisse risquent d’avoir à affronter un voyage vers l’Europe dans la clandestinité, en devant recourir aux réseaux de passeurs.

3. La création de centres spécifiques pour les requérants récalcitrants pourrait causer certaines difficultés d’application, notamment en ce qui concerne l’encadrement dans de telles structures ou les problèmes de définition de ce qui porte « sensiblement atteinte au bon fonctionnement des centres ». En outre, cette disposition pourrait être problématique au regard de la Constitution fédérale et de la Convention européenne des droits de l'homme selon les modalités qui seront définies (degré de fermeture de ces centres, éloignement). Enfin, elle entraînerait une certaine confusion entre les objectifs poursuivis par le droit d’asile, et ceux du droit pénal.

4. L'introduction de phases de test relevant de l'unique compétence du Conseil fédéral soulève quant à elle des questions liées au principe essentiel de séparation des pouvoirs. Une attention particulière doit en outre être accordée aux garanties de procédure qui ne devraient pas être limitées dans ce cadre.

L’étude complète est disponible sur le site du Centre de droit des migrations.

Le communiqué au format pdf
 

Contact :

Robin Stünzi
Collaborateur scientifique
Chaire d'études transversales
Tél. 032 718 15 51
robin.stunzi@unine.ch


Clément de Senarclens

Collaborateur scientifique
Chaire d'études transversales
Tél. 032 718 15 51
clement.desenarclens@unine.ch

En savoir plus :

Etude complète : Centre de droit des migrations