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Thématique et sections

  • 1. Grammaticalisation et constructionnalisation

    Le concept de grammaticalisation, posé comme l’un des mécanismes fondamentaux dans le changement grammatical par Meillet (1912), a donné un nouvel élan aux études en diachronie : il a permis de mieux articuler synchronie et diachronie et de préciser les rapports complexes entre lexique et grammaire.  Il a également été mis à profit pour mettre en rapport le changement grammatical avec l’expression de la subjectivité et l’intersubjectivité dans l’interaction verbale.  Il a enfin conduit à concevoir le changement linguistique dans ses rapports avec la cognition.

    Depuis une dizaine d’années, on observe un rapprochement entre la théorie de la grammaticalisation et un cadre théorique plus récent, à savoir la grammaire des constructions, ce dont témoignent les deux dernières monographies d’Elisabeth Traugott, en collaboration avec Graham Trousdale.  Déjà Meillet (1912) avait souligné que la grammaticalisation n’affecte pas une expression prise isolément, mais qu’elle concerne cette expression quand elle est intégrée dans une construction.

    De ce qu'un mot est groupé avec un autre d'une manière qui tend à devenir fixe dans certains cas, il résulte pour ce mot la perte d'une partie de son sens concret dans ces constructions.

    Ce point de vue est exprimé avec plus de clarté encore par Himmelmann (2004:31) :

    Strictly speaking, it is never just the grammaticizing element that undergoes grammaticization. Instead, it is the grammaticizing element in its syntagmatic context which is grammaticized. That is, the units to which grammaticization properly applies are constructions, not isolated lexical items.

    Dans le présent atelier, nous sollicitons des présentations qui mettent à profit la nouvelle perspective qu’apporte la grammaire des constructions sur la notion de grammaticalisation, que ce soit du point de vue théorique ou par des études des cas.

    Conférencier invité : Martin Hilpert (Université de Neuchâtel)

  • 2. Les marqueurs du discours

    Depuis les travaux fondateurs d’Oswald Ducrot, ces petits mots qui ponctuent le discours comme ben, bon, allons, ok, enfin, ont fait l’objet de multiples recherches en synchronie.  Sur le plan syntaxique, ils sont définis par le fait qu’ils ne participent pas au contenu propositionnel et n’en affectent pas la valeur de vérité.  Ils ont au contraire une position plus externe par rapport à la proposition et peuvent être supprimés sans que la grammaticalité de la phrase en soit affectée.  Du point de vue pragmatique, ils sont liés à l’interlocution et émergent ainsi surtout dans un contexte de dialogue : ils permettent au locuteur de prendre position par rapport à son discours ou par rapport à celui de son interlocuteur. Sur le plan de la morphosyntaxe, la catégorie semble de prime abord hétéroclite.  Du point de vue morphologique, les morphèmes du discours tendent à être invariables, cette invariabilité étant parfois le résultat d’un processus diachronique.  Les recherches sur les marqueurs du discours en synchronie convoquent souvent la diachronie récente ou moins récente pour rendre compte de certaines caractéristiques des marqueurs de discours et pour saisir les différences des marqueurs de discours de sens proche.  Inversement, dans le prolongement de l’intérêt pour l’oral, les travaux sur les marqueurs du discours dans les étapes anciennes de la langue se multiplient.  Il semble dès lors utile d’offrir un forum à cet ensemble de recherches dans le cadre du colloque de la SIDF.

    Conférencier invité : Richard Waltereit (Humboldt Universität Berlin)

  • 3. Norme grammaticale et usage(s): le changement linguistique envisagé à travers les traités grammaticaux et les grammaires d'enseignement

    La sélection de la variété de français considérée comme légitime à enseigner, parfois appelé français de référence (Francard et al. 2000), est un phénomène qui reflète l’image que les locuteurs ont de leur langue ainsi que la réalité sociolinguistique qui impose un modèle à imiter (Gadet 2007). L’observation de l’évolution du modèle proposé dans les grammaires et dans les manuels d’enseignement du français, langue maternelle ou langue étrangère, permet de mettre en lumière les changements objectifs, grammaticaux par exemple, mais aussi subjectifs : quel français faut-il imiter à quelle époque? Dans quel milieu social le « meilleur français » se trouve-t-il ? (Lyche 2010)

    On pourra par ailleurs aussi s’interroger sur le rapport que les enseignants (ou auteurs des manuels et des traités grammaticaux) entretiennent avec la norme et la variation (Siouffi 2010). L’approche diachronique de ce colloque permettra de renouveler la réflexion sur le français de référence et sur la norme dans l’enseignement.

    Conférencière invitée : Wendy Ayres-Bennett (Université de Cambridge)

  • 4. Diachronie et diatopie

    L’interdépendance épistémologique et ontologique des axes diachronique et diatopique a été théorisée déjà dans les années 1910 par Walther von Wartburg dans la conception de l’œuvre de sa vie, le FEW, dont la rédaction a impliqué tout au long du XXe siècle de nombreux romanistes convaincus de ce principe. D’un point de vue méthodologique, une approche conjointe des deux axes permet autant de pallier des lacunes documentaires que de rendre apparentes des trajectoires évolutives. Cette idée a été exploitée depuis notamment par la dialectologie et par la lexicographie diachronique à commencer – à Neuchâtel – par le Glossaire des Patois de la Suisse romande (GPSR). En revanche, elle n’a jamais connu de théorisations plus générales ni encore une confrontation avec d’autres disciplines comme l’histoire ou l’ethnologie. Une approche du changement linguistique par les deux axes reste également sous-exploitée dans les domaines de la morpho-syntaxe et même de la lexicologie interprétative. Le colloque souhaiterait susciter une réflexion autant théorique qu’empirique sur l’interdépendance diachronique/diatopique qui prendrait appui sur la théorie variationnelle moderne et qui illustrerait ou s’interrogerait sur le rendement de cette approche conjointe.

    Conférencier invité : Andres Kristol (Professeur honoraire, Université de Neuchâtel)

  • 5. Table ronde : états des lieux des corpus pour l’étude de la diachronie du français et de leurs possibilités de requête

    Les corpus pour l’étude de la diachronie du français sont en plein développement, mais il n’est pas toujours aisé de les repérer, de les utiliser, et encore moins de les comparer. C’est pourquoi les intervenants de cette table ronde chercheront, certes, à faire l’état des lieux des corpus disponibles, mais aussi et surtout à s’interroger sur la véritable plus-value des corpus actuels  (Guillot et al. 2013, Viprey 2005, Mayaffre 2007), par exemple, la réalisation d’éditions multifacettes, la délimitation de plusieurs couches de codage avec la génération de multiples vues, l’utilisation d’outils de visualisation et d’analyse. La massification des données accessibles est accompagnée de l’élaboration de divers outils d’exploration et d’analyse qui permettent une nouvelle appréhension des corpus grâce notamment aux analyses des faits lexicaux et textuels (dictionnaires de fréquence, listes de segments répétés, fréquences relatives, cooccurrences, contextes élargis). L’accumulation des textes permet en outre une compréhension analytique du texte grâce à la mise en série et la mise en évidence de régularités d’ensemble. Tous ces apports jouent un rôle majeur dans des disciplines comme la linguistique diachronique sur corpus (Rissanen 2008, Bennett et al. 2013, Prévost 2015, Guillot et all. 2008, Martineau 2009). La numérisation des textes et la linguistique de corpus ont renouvelé les méthodes de travail dans ce domaine : nouveaux modes d’exploration des textes, méthodes quantitatives dans l’analyse de corpus diachroniques (complémentarité avec les méthodes qualitatives), massification des données qui a permis « l’établissement de diachronies à la fois plus larges et plus fines » (Prévost 2015 : 56).

    Sophie Prévost (LaTTiCe), Aleksandra Simonenko (FWO/UGhent), Alain Kamber (UniNE), Carine Skupien Dekens (UniNE), Céline Guillot (IHRIM - ENS, Lyon)

  • Bibliographie
    • Francard, M., Geron, G., Wimet, R. (éds) (2000), Le français de référence : construction et appropriation d’un concept, Cahiers de l’Institut de Linguistique de Louvain 26 (1-4), Leuven, Peeters.
    • Gadet, F.  (2007a),  La variation sociale en français, Paris, Orphys
    • Himmelmann, Nikolaus P. 2004. Lexicalization and grammaticalization: Opposite or orthogonal? In Walter Bisang, Walter, Nikolaus Himmelmann, and Björn Wiemer, eds. 2004. What Makes Grammaticalization - A Look from its Fringes and its Components, 19-40. Berlin: Mouton de Gruyter.
    • Lyche, Chantal (2010), « Le français de référence : éléments de synthèse », in S. Detey et al. (éds). Les variétés du français parlé dans l’espace francophone. Ressources pour l’enseignement (avec DVD). Paris : Ophrys, p. 143-160.
    • Martineau F. (2009) « Un corpus pour l’analyse de la variation et du changement linguistique », Corpus  7,  mis en ligne le 13 novembre 2009, URL : http://corpus.revues.org/1508
    • Mayaffre, D. (2007) « Philologie et/ou herméneutique numérique : nouveaux concepts pour de nouvelles pratiques? » in Ballabriga, M. et Rastier, F. (éds), Actes du colloque Corpus en Lettres et Sciences sociales. Des documents numériques à l'interprétation, Toulouse : Presses universitaires de Toulouse, 15-26
    • Meillet, A. (1912) L’évolution des formes grammaticales, Rivista di scienza, vol. XII, n° XXVI, 6
    • Siouffi, G. (2010), « Grammaire et linguistique : réflexions sur un déplacement des normes », in Bertrand, O.  & Schaffner, I. (éds), (2010) Quel français enseigner ? Palaiseau : Editions de l’Ecole Polytechnique, p. 29-50.
    • Traugott, E.C. & G. Trousdale (2010) Gradience, gradualness and grammaticalization. Amsterdam: John Benjamins.
    • Traugott, E.C. & G. Trousdale (2013) Constructionalization and constructional change. Oxford: Oxford University Press.
    • Valdman, A. (1989), « The elaboration of pedagogical norms for second language learners in a conflictual diglossia situation », in S. Gass, C. Madden, D. Preston, et L. Selinker (éd), Variation in Second Language Acquisition, Volume 1, , Clevedon, Multilingual Matters, p.15-34.