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Du Mercure suisse au Journal de Neuchâtel

Créé en 1732 à Neuchâtel par Louis Bourguet et interrompu en 1782, le Mercure suisse - qui prendra successivement le titre de Journal helvétique, de Nouveau journal helvétique et de Journal de Neuchâtel - est un périodique exceptionnellement durable. Témoin et acteur de la vie culturelle et intellectuelle, il permet la diffusion et la promotion des idées et des savoirs. En dehors des nombreux rédacteurs anonymes, ses contributeurs comptent des savants et des hommes de lettres illustres de Neuchâtel, Genève, Berne, Lausanne, Bâle ou Zurich, ainsi que des correspondants étrangers. Répondant aux attentes d'un public large, le Journal helvétique adopte une vocation multifonctionnelle : c'est une gazette littéraire, scientifique et politique, qui se présente comme un lieu privilégié de l'esprit critique, de débats savants et de création poétique.

Louis Bourguet, le fondateur du Mercure suisse/Journal helvétique, édite celui-ci pendant dix ans, jusqu'à sa mort en 1742. Ce savant cosmopolite français, fils de réfugié huguenot, possède un réseau de correspondants d'envergure européenne, qui inclut des personnalités comme Leibniz et Réaumur. Naturaliste, numismate, philosophe et grand connaisseur des langues anciennes, il offre des contributions très variées au périodique. De 1767 à 1769, un autre grand acteur de la vie intellectuelle en Suisse francophone prend en charge la rédaction des articles : l'encyclopédiste et imprimeur Fortunato Bartolomeo De Felice. Plus tard, Jean-Élie Bertrand et la Société typographique de Neuchâtel (STN) assument la rédaction et l'impression du journal, avec le désir essentiel de promouvoir, à travers lui, l'ensemble de la production littéraire suisse, tout en marquant une ouverture vers la France par l'effort de s'attacher des correspondants parisiens. À la mort de Jean-Élie Bertrand (1779), le pasteur neuchâtelois Henri-David Chaillet offre au Journal helvétique des critiques littéraires indépendantes et fines, qui lui attirent une certaine renommée jusque dans les salons parisiens.

Les éditeurs successifs contribuent à redéfinir le contenu du journal, à en remodeler la structure et à saisir l'évolution du lectorat et de ses attentes. Ils rédigent eux-mêmes la plus grande partie des articles. Mais ces personnalités ne sont pas seules à produire des textes. Les nouvelles politiques sont souvent des articles de seconde main, empruntées à d'autres périodiques européens. Parmi les contributeurs occasionnels, on rencontre le botaniste et poète neuchâtelois Jean-Laurent Garcin, le journaliste français Grimod de la Reynière, Voltaire, le magistrat et publiciste vaudois Gabriel Seigneux de Correvon, le naturaliste et pasteur à Berne Élie Bertrand, le juriste neuchâtelois Emer de Vattel, l'abbé Prévost, le marquis d'Argens, le mathématicien bâlois Daniel Bernoulli, l'écrivain français Baculard d'Arnaud, le juriste genevois Jean-Jacques Burlamaqui, le philosophe lausannois Jean-Pierre de Crousaz, le médecin et poète bernois Albert de Haller, le juriste lausannois Charles-Guillaume Loys de Bochat, l'éditeur calviniste genevois Jacob Vernet, et bien d'autres. Quant au lectorat, il est loin de regrouper les seuls membres de l'élite savante. Les lettres de lecteurs et de lectrices témoignent de sa grande diversité. C'est que le Journal helvétique cherche à satisfaire les goûts et les attentes du plus grand nombre.

Lieu de réception des idées et des oeuvres des Lumières européennes, lieu d'échange intellectuel des Lumières suisses, le Journal helvétique est un médiateur culturel qui participe à l'élaboration des normes du jugement esthétique et moral, et qui permet de cerner, dans la Suisse du XVIIIe siècle, les pratiques de pensée en société.