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Forum de l'AJM: "L'indépendance des médias"

16 novembre 2008

Intervenants:

  • Jean-François Kahn, journaliste et directeur de l'hebdomadaire Marianne
  • Anne Nivat, journaliste, grand-reporter
  • Edwy Plenel, journaliste et ancien rédacteur en chef du Monde
  • Roger de Weck, journaliste, ancien rédacteur en chef du Tagesanzeiger et de Die Zeit

Résumé:

Jean-François Kahn

  • trop de recettes proviennent de la publicité . Il faut garder un é quilibre entre vente et publicité, éviter de tomber dans l’extrême dé pendance. La censure n’est plus politique, mais publicitaire (ex. de Peugeot, Ricard)
  • le propriétaire de journaux n’est plus capitalis te de presse, mais devient un capitaliste industriel et financier. Lagardère et Dassaul t n’accepteront jamais qu’on touche à leurs intérêts. Problème de l’ actionnariat en France. Moins pertinent pour la Suisse.
  • les titres se réduisent : moins de pluralisme . Plus que 4 journaux nationaux en France. Cela mène à une unité de pensée chez les journalistes : « sensibilité majoritaire » qui n’est pas dictée par la censure. C’est la propr e sensibilité uniforme des journalistes qui nuit à l’indépendance.
  • le lectorat incite aussi à l’ autocensure . Les désabonnements sont aussi un moyen de pression.
  • le journaliste doit remettre en cause son langage, ses structures de phrase : se rendre compréhensible à tous. Ecrire pour être lu...

Anne Nivat

  • le « journalistiquement correct » conduit à l’absence d’information. D’où son choix de n’appartenir à aucune rédaction.
  • menace : ne plus pouvoir faire du journalisme de terrain, qui ne peut être remplacé par internet ou le téléphone. Il faut y a ller et y rester. Le journaliste est un observateur.
  • danger des écoles de journalisme qui peuvent apprendre une certaine auto-censure , toujours le « journalistiquement co rrect » dont il faut se méfier
  • le pire résultat du journalisme : la lassitude (cas de l’Irak).
  • il existe deux motifs pour ne pas partir en zone de conflit : le risque d’ enlèvement et le danger de mort. A. Nivat fait le maximum pour prévenir ces de ux risques en se faisant discrète (« faire profil bas »), en résidant chez l’habitant, en cherchant ses interlocuteurs par des amis irakiens qui prennent les contacts pour elle. La peur conduit tout droit au conformisme, elle refuse de s’y laisser prendre.
  • A.Nivat réclame le droit à la lenteur. Il faut refuser la pression de la vitesse dans le reportage. Un journaliste qui fait son trava il armé ou entouré de gardes du corps n’est plus journaliste.
  • distinguer information et communication.

Edwy Plenel

  • l’enjeu de l’indépendance c’est la démocratie. Les journalistes sont le bras armé de la démocratie, la presse es t l’arme des citoyens. • péril de la surinformation. Dans un monde surinformé, la vérité factuelle doit l’emporter. A ce sujet, lire le livre d’Hanna h Arendt « Vérité et politique », manifeste du journalisme, est essentiel.
  • le pouvoir impose son agenda institutionnel : menace sur l’indépendance. Cet agenda n’est pas la réalité, mais une pe rception qu’on veut nous imposer. Voir la communication sarkozyste : « envoyer chaque jour une carte postale au peuple ». On veut mettre la vigilance démocratique « en vacances ». C’est le storytelling : on nous raconte une histoire pour fa ire diversion et ne pas aborder les vrais sujets.
  • la France devient le pays de s hebdomadaires : on constate le déclin des quotidiens , alors qu’ils sont le poumon de la démocratie. • danger du cumul des pouvoirs , de la confusion des ge nres : il n’y a plus de capitalisme des médias, comme il en reste en Suisse.
  • Internet est une nouvelle révolution industrielle, aussi importante que la machine à vapeur et l’électricité (qui a permis la pr esse de masse par la rotative). C’est la révolution radicale de la prise de parole par tous . Mais la compétence journalistique est toujours le même : opinion, co mmentaire, jugement, hiérarchie sont plus que jamais indispensables.
  • le journaliste doit faire le puzzle du réel : commenter, bouger, chercher, hiérarchiser. Trop d’info tue l’info.
  • deux nouveaux ennemis du journalisme indépendant : la gratuité et l’audience. La logique de l’audience est celle de la masse, le contraire de l’élévation démocratique. La gratuité rend l’informa tion de qualité trop chère, pousse à l’ignorance et au storytelling. Il faut défendre le pa yant, le travail que représente l’information de qualité.

Roger de Weck

  • il faut faire du journalisme malgré les médias. On ne s’occupe que de content : c’est n’importe quel contenu , la fin des catégories . Il y a une perte de respect par rapport à l’information : le journaliste devient content provider. La perte des critères est une perte d’indépendance .
  • Internet impose un rythme qui ne permet plus de contrôle, de recherche, d’explication de l’info. On ne peut plus prendre le temps. La réduction du temps réel est une réduction de la réalité, car l’évolution est plus importante que l’événement. • la lutte pour l’attention conduit à plusieurs travers :
    a. dramatisation-racolage
    b. rumination : la même information sous mille formes différentes, le contraire de l‘investigation
    c. intrusion dans la vie privée
    d. autoréférentiel du système médiatique (système qui crée des stars qui se nourrissent mutuellement) e. création d’ events , une réalité artificielle de type « télé-réalité », bien mal nommée f. mondes artificiels des jeux (internet, vidéos, tv)
  • deux mouvements contraires s’affrontent : la révolution écologique et la mondialisation. Le repli sur soi accompagne le premier, la conscience des problèmes universels le second. Même mouvement paradoxal dans les médias : ill y a de moins en moins de correspondants à l’étranger, mouvement de rep li, de provincialisation au moment où la mondialisation demanderait une me illeure connaissance du monde pour la construction de l’opinion.
  • corruption de la presse par le populisme de droite : il dramatise, exacerbe les conflits, personnalise à outrance, simplifie les problém atiques, attise la pe ur. Et ce sont les mêmes ingrédients qui structur ent le journalisme élémentair e. Le populisme de droite devient alors fournisseur de content.
  • le système médiatique déteste le nouveau, car il est complexe, ne peut être visualisé immédiatement. D’où la redondance des suje ts. Nouvelle contradiction entre la « cosmétique » de l’information, son emba llage commercial et le vrai projet intellectuel de la découverte, de la curiosité. Revenons aux sources de l’information.

Table ronde avec E. Plenel, A. Jeannet, G.Marchand, P.Nussbaum, J.Pilet, N.Willemin, R. de Weck

  • le danger dans le service public ne vient pas de la force publicitaire, mais du conformisme journalistique
  • une solution pour assurer l’indépendance rédactionnelle : fair e participer les journalistes comme acteurs du capital
  • favoriser l’indépendance dans une école de journalisme, en ciblant dans la formation principalement deux aspects : l’enqu ête-reportage et le commentaire.
  • l’enquête comme forme suprême d’indépendance journalistique : permet de connaître le contexte de l’information - prôner un journalisme vertical : bouger, monter, plonge.