Communiqué
Une mouche s’approprie deux gènes bactériens
02 février 2024
Deux gènes de bactérie, acquis voici plusieurs dizaines de millions d’années, permettent à la mouche blanche d’optimiser le contrôle de son cycle d’azote. C’est le principal résultat d’une étude chinoise co-supervisée par Ted Turlings, professeur de biologie à l’Université de Neuchâtel. Ce travail illustre le rôle fondamental de l’évolution dans le transfert naturel de gènes d’une bactérie vers un organisme plus évolué. La découverte est publiée aujourd’hui dans la revue de premier plan Science Advances.
La mouche blanche Bemisia tabaci est un ravageur extrêmement néfaste pour l’agriculture dans le monde entier, transmettant des virus et provoquant des maladies fongiques, ce qui entraîne des milliards de dollars de pertes chaque année. Cette nouvelle recherche met en évidence le rôle de deux gènes d’origine bactérienne aidant l’insecte à capter et à recycler l'azote, un élément nutritif essentiel à son développement et à sa reproduction. D'autres insectes dépendent généralement de bactéries présentes dans leur corps pour les aider à recycler l'azote. Mais grâce à l’intégration de ces gènes dans son propre organisme, la mouche blanche s’est affranchie de sa dépendance vis-à-vis des bactéries pour assurer toute seule ce rôle.
Deux gènes fonctionnant ensemble
« Le transfert de gènes d'une bactérie à un insecte n'est pas exceptionnel, mais dans ce cas, il s'agit de deux gènes qui fonctionnent ensemble, relève Ted Turlings, directeur de Laboratoire d’écologie chimique FARCE et lauréat en 2023 du Prix Marcel Benoist. C'est tout à fait unique. » Le fait que les mouches blanches utilisent ces gènes non seulement pour acquérir de l'azote, mais aussi pour le recycler explique leur capacité à survivre sur un si grand nombre d'espèces végétales différentes. Il révèle un facteur supplémentaire de son succès de ravageur de cultures.
Le présent article s’inscrit dans la suite d’une autre recherche à succès menée sur ce ravageur par le groupe de Youjun Zhang, professeur à l'Académie chinoise des sciences agricoles de Pékin, sous la co-supervision de Ted Turlings. Les scientifiques avaient pour la première fois révélé en 2021 l’existence d’un transfert de gène fonctionnel depuis une plante vers un insecte, en l’occurrence Bemisia tabaci. Ce gène sert à protéger l’insecte contre une toxine d’origine végétale.
Contact :
Prof. Ted Turlings
Laboratoire FARCE
Tél. +41 32 718 31 58
ted.turlings@unine.ch
http://www.unine.ch/farce
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Photos : Zezhong Yang et Zhaojiang Guo
Référence scientifique :
Yang et al., Two horizontally acquired bacterial genes steer the exceptionally efficient and flexible nitrogenous waste cycling in whiteflies, Sci. Adv. 10, eadi3105 (2024).
https://www.science.org/doi/10.1126/sciadv.adi3105 (lien actif dès la levée de l’embargo)